Le projet de loi
"Création et Internet" ou loi
"HADOPI (Haute Autorité pour la Diffusion des uvres et la Protection des Droits sur Internet)" est examinée aujourd'hui à l'Assemblée Nationale, quelques mois après avoir été votée au Sénat. Ce projet, inspiré par le rapport rendu par Denis Olivennes (ex PDG de la FNAC et aujourd'hui rédacteur en chef du
Nouvel Observateur), vise à instaurer une "riposte graduée" contre les vilains pirates qui font perdre de l'argent à
Cali ou
Zazie et qui ont empêché (ben voyons...)
Bienvenue chez les Ch'tis à couler le
Titanic au box office français.
HADOPI et sa raison de ne pas êtrePourtant, alors que le marché du film ne s'est jamais aussi bien porté et que la fréquentation des salles a battu de
nouveaux records en 2008, le téléchargement illégal est un responsable tout trouvé aux déboires économiques de l'industrie
du disque.
Mais nombre d'exemples montrent que la crise actuelle dans ce secteur est due, avant tout, à une politique rétrograde.
Tout d'abord, il est évident que les 12 pistes d'un CD ne font plus le poids face à la légèreté d'une centaine de fichiers mp3 et des lecteurs qui vont avec,
surtout quand ceux-ci sont protégés contre la copie et donc empêchent l'utilisateur de les écouter sur un autre support (...sur
lecteur mp3 après conversion).
Ensuite, on ne peut nier que les dépenses dans de nouveaux secteurs (DVD, jeux videos, internet,...) ont forcément plombées
celles du disque et l'offre numérique (
Itunes par exemple) qui permet d'acheter des morceaux à l'unité sans devoir débourser pour un
album entier, a également contribué l'acheteur à délaisser la galette de 12 cm.
Enfin, les grosses majors prennent de moins en moins de risques et investissent toujours plus dans des artistes confirmés
qui ne réalisent pas toujours les succés escomptés.
Ainsi, je vois mal comment le marché du disque pourrait mieux se porter avec
HADOPI.
D'ailleurs, il est amusant de noter qu'aucune étude n'a été commandée par le gouvernement pour évaluer le poids du téléchargement illégal sur
l'industrie culturelle. Sans surprise.
HADOPI et ses abusSi le texte était voté,
HADOPI aurait donc la lourde tâche de faire le gendarme police auprès des "voleurs" du net.
Dans un premier temps, via un petit mail (qui risquerait bien de finir dans la section SPAM si, comme le préconise la Ministre de la Culture, 10 000 mails seraient envoyés par jour) accompagné du message plaintif d'un artiste baffoué.
Bis repetita si cela ne suffisait pas avec en bonus une lettre
recommandée remise contre signature.
Et si cela ne suffisait toujours pas à dissuader l'internaute de faire le gros vilain sur les réseaux P2P durant l'année suivant la réception du recommandé,
HADOPI pourrait ordonner l'impossibilité à l'internaute de se connecter sur une durée allant de 2 à 12 mois (qui vaudrait résiliation donc paiement des mois restants dus au contrat qui le lie avec son FAI) et de souscrire pendant la
même période un autre contrat portant sur laccès à un service de
communication au public en ligne auprès de tout opérateur.
Comme Internet est devenu plus qu'un outil d'information et permet d'effectuer nombre de démarches administratives, Mamy Lakhdah, par exemple, ne devrait plus payer son impôt sur
la fortune pour avoir téléchargé illégalement l'intégralité de
L'Inspecteur Derrick.
Mais ce n'est pas tout puisque la coupure de l'accés entraînerait également l'impossibilité d'utiliser les offres annexes que sont la
téléphonie et la télévision.
Donc, à peine disproportionnée comme sanction surtout si elle est suivie d'une poursuite pénale, chose possible car non précisée
dans le texte.
HADOPI et ses faiblesses techniques et juridiquesComble du comble, l'internaute mis en cause ne pourrait se défendre puisqu'il ne serait pas prévu, pour le moment, de lui donner la possibilité d'avoir connaissance de ce qui lui serait reproché exactement (contenu du téléchargement illicite ou pas: film de vacances ou abandonware -fichier reversé dans le Domaine Public- téléchargés sur un réseau P2P ?).
De plus, le dispositif serait perfectible puisqu'il ne permettrait pas d'identifier une personne coupable de téléchargement illégal mais plutôt une adresse IP.
J'ose imaginer les difficultés à dénicher un internaute pirate au sein d'une entreprise, dans un cybercafé ou sur un accès Wifi dans un lieu public voire chez un particulier dont la connexion serait non sécurisée. Folklorique.
En tout cas, mauvaise nouvelle pour
HADOPI et les représentants des ayants droits, il existe de nombreux moyens de contrecarrer leurs plans en cachant son adresse IP grâce à certains logiciels ou par l'intermédiaire de serveurs relais situés à l'étranger comme
Rapidshare en Allemagne qui héberge des fichiers et fournit à ses utilisateurs du téléchargement direct à grande vitesse.
ConclusionHADOPI risquerait bien d'être une gigantesque mascarade obsolète et totalement inadaptée, au service des grosses majors (les petits labels auraient-ils les mêmes moyens de répression ?) et qui, en ces temps où l'on nous rabâche sans cesse que la crise est là et qu'il faut se serrer la ceinture, aurait un coût exorbitant, estimé à 15 millions par an auxquels il faudrait ajouter le manque à gagner dans le secteur des fournisseurs d'accès.
Pour toutes ces raisons, ce blog dit